04 mai 2006

Les odeurs d’écurie dans le vin

Il nous arrive quelques fois de sentir de fortes odeurs d’écurie, d’étables, de cheval, ou d’autres odeurs qui sont communes à la ferme dans les vins.

Ça surprend toujours. On aime ou on n’aime pas. Pour certains ça fait partie des notes normales qu’on retrouve dans le vin. Par contre, d’autres personnes n’aiment pas et disent que c’est un défaut.

Certains œnologues attribuent cette odeur à des bactéries, les brettanomyces, communément appelées brett. «Ces levures peuvent transformer certaines molécules inodores présentes naturellement dans le vin en composés odorants désagréables : les éthyl-phénol. Cette altération se produit le plus souvent lors d’un élevage en barriques.» [1]

Des producteurs essaient d’en contrôler la prolifération, d’autres disent que c’est naturel au vin.

C’est tout un débat! Personnellement, j’aime bien ces odeurs, à condition qu’il y ait d’autres choses aussi dans le vin. On retrouve ces arômes dans les vins français, [particulièrement en Bandol et en Côtes-du-Rhône], surtout dans le cépage mourvèdre, quelques fois en Italie, mais rarement dans les vins du Nouveau Monde. Il faut dire que là on produit surtout des vins industriels très travaillés.

L'opinion d'un producteur
Dernièrement, nous avons été surpris de trouver cette odeur dans un vin de Chinon, région plus nordique, où les vins ont plutôt des arômes végétaux et de fruits.

Voici ce que nous dit un producteur de Chinon à ce sujet. Nous avons trouvé la réponse de M. Mathieu Baudry tellement intéressante que nous la reproduisons presque en entier.
«En effet, la cuvée 'Grézeaux 2003' dégage dès son ouverture des odeurs de cuir et animales rappelant l'écurie ou d'autres odeurs évoluées. Puis à l'aération, ces odeurs s'affinent et on sent des odeurs de fumée, de cacao avec des notes plus épicées.
Brett ? Phénols ? Épicé? Animal ?
Est-ce un défaut ? Une qualité ?
Certains clients adorent, d'autres n'aiment pas...
Certains vignerons apprécient, d'autres détestent...
Ces évolutions ne participent-elles pas à apporter de la complexité au vin ?

Nous, nous n'y sommes pour rien. Le même vin dans le millésime 2004 semble se présenter tout à fait différemment avec des notes beaucoup plus 'fruits rouges'...

Nous pensons que ces odeurs dites 'animales' se retrouvent parfois dans les années de fortes maturités, quand les acidités sont faibles [exemple 1989, 1990, 1997, 2003]. On retrouve également ces odeurs dans des vins peu ou pas filtrés et avec des doses de SO2 assez faibles.

Quand elles ne sont pas trop dominantes et qu'elles laissent le vin s'exprimer avec de l'élégance et de la fraîcheur, nous aimons beaucoup. Lorsque ces senteurs sont fortes et que le vin n'a pas de subtilité et de structure, ce n'est pas agréable du tout.

Pour 'Les Grézeaux 2003', nous avons été surpris et inquiets, puis cette évolution s'est stabilisée et elle semble être plutôt appréciée. Les clients locaux et de nombreux vignerons de la Loire n'aiment pas.
Faut-il intervenir 'oenologiquement' pour empêcher ces odeurs animales ? Acidification, tanisage, sulfitage en grande quantité, filtration stérile etc.
Notre position ne va pas en faveur de ces méthodes interventionnistes. »
En effet, cela semble bien une question de goût. Un hasard, une curiosité de la nature, de toute façon aucun n’en est tombé malade à notre connaissance.

On peut aussi faire un parallèle avec les odeurs de pétrole de certains rieslings, on aime ou on n’aime pas.

Nous on aime.

À votre santé!


[1]Préserver et révéler la typicité du vin, document au format PDF de Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, cahier no 39, décembre 2002;
[2] Image modifiée, Cheval à la seigneurie de la Nouvelle-France, Henri Caron © Le Québec en images, CCDMD